À l’heure du tout numérique et du virtuel, il est bon de se rappeler qu’avant tout l’histoire du cinéma s’écrit par des millions de kilomètres de pellicules qui se baladent à travers le monde, stockées, préservées dans des cinémathèques mais aussi rangées dans des caisses, dans des caves ou des greniers ou oubliées dans des endroits improbables. Des pellicules de formats 16 ou 35 mm mais aussi des 8 mm ou super 8. Cette aventure magnifique de l’image mouvante existe bien sûr grâce à tous les créateurs, inventeurs, artistes, cinéastes, professionnels de documentaires ou de fictions mais aussi grâce aux passionnés, aux amateurs, à tous ceux qui ont voulu que le temps conserve les souvenirs de jours heureux, de fêtes de famille, de voyages ou d’événements douloureux et dramatiques.
Filmées ou photographiées, les images privées, publiques, sont le témoignage d’une époque, d’un moment, d’un territoire. Elles racontent la petite et la grande histoire, l’évolution de nos modes de vie, les petits et les grands événements sociaux, familiaux, culturels, politiques…
Mémoire de pellicule réunit quelques exemples de films qui, avec des images d’archives parlent de cette mémoire à la fois individuelle et collective. Toutes ces traces du réel, ces souvenirs, nous invitent à un dialogue avec le temps et à un présent qui s’inscrit dans le respect du passé.
«En revoyant nos films super huit pris entre 1972 et 1981, il m’est apparu que ceux-ci constituaient non seulement une archive familiale mais aussi un témoignage sur les goûts, les loisirs, le style de vie et les aspirations d’une classe sociale, au cours de la décennie qui suit 1968. Ces images muettes, j’ai eu envie de les intégrer dans un récit au croisement de l’histoire, du social et aussi de l’intime, en utilisant mon journal personnel de ces années-là.» A. Ernaux
« Au fil des années, le commentaire accompagne l’épanouissement
de sa conscience féministe qui nourrira son œuvre. Au-delà de son
bel aspect documentaire, le film comporte un certain nombre de moments amusants, émouvants, ou d’une certaine gravité.
On y retrouve aussi des espoirs et des désillusions nés de la gauche de ces années-là, avec des séquences de voyages dans le Chili d’Allende, mais surtout en Albanie et à Moscou, du temps de l’URSS, qui valent à elles seules le déplacement. » T. Fiorile (Radio France)
Thierno Souleymane DIALLO
France/Sénégal/Guinée – 2023 – 1h33 – Samedi 17 à 17h30 au Cinéma
En 1953, Mamadou Touré tourne Mouramani, le tout premier film réalisé par un cinéaste d’Afrique noire. Mais personne ne sait où le trouver. Thierno Souleymane Diallo parcourt la Guinée à la recherche de cette œuvre perdue, utilisant sa caméra pour se confronter à l’Histoire et au cinéma, celui qu’on regarde et celui qu’on fait.
« Tourné entre les rues de Conakry et de Paris, le film prend la
forme d’une filature impossible. Le fin limier se tourne vers les
anciens, questionne les experts et les étudiants. Ont-ils un jour
posé les yeux sur ce film fantôme, qui avait fait entrer la Guinée
sur la grande scène du cinéma ? Au premier plan, l’histoire est celle
d’un échec de transmission. Derrière la chasse à l’œuvre, se tient dès lors un récit plus grand qu’elle. Celui d’un champ de ruines où la Guinée, pays sans archive, a historiquement dû voir mourir son cinéma, parti en cendres après l’invasion portugaise de 1970 et la purge des fabricants d’images. » Libération
Dawson City : Frozen Time
Bill MORRISON USA – 2016 – 2H – Dimanche 18 à 14h30 au Théâtre
Dawson City est née de la ruée vers l’or, au Canada, non loin du
cercle arctique, en 1896, la même année que le cinéma. C’est dans
son sous-sol gelé que 533 bobines de films muets miraculeusement
conservées ont été retrouvées en 1978, alors même que toutes
les autres copies connues ont brûlé ou furent négligées. Mais
cette découverte n’était qu’une partie d’une histoire plus large et
captivante encore ; celle de la ruée vers l’or de la ville de Dawson
City, comment elle est passée d’un petit camp endormi de pêcheurs,
situé sur les terres appartenant à un peuple amérindien, à une population furieuse de 40 000 personnes cherchant à tout prix de l’or.
« Le travail magnifique de Bill Morrisson est expérimental et poétique : hypnotisé qu’il est par les mètres de pellicules qui lui font face et par les mémoires anonymes retrouvées, il transmet cette fascination de minute en minute déclenchant une émotion folle. » Culturopoing.com
Depuis son enfance, le co-réalisateur de C’est arrivé près de chez vous collectionne des bobines de films. Grâce à ces instants de vie de cinéastes anonymes et ces traces d’émotions préservées, il reconstitue l’aventure de sa famille. Avec ce film, André Bonzel déclare son amour pour le cinéma. Sur une musique originale de Benjamin Biolay, il raconte une histoire qui pourrait être la nôtre…
« C’est un film peuplé de visages inconnus, d’objets disparus et
de lieux qui ne se ressemblent plus. Nulle nostalgie à la Modiano
pour autant. En retraçant son histoire et en fantasmant (en partie)
celle de ses ancêtres, piqués comme lui par le virus de la caméra,
à l’aide de sa collection de films amateurs, André Bonzel, repousse à nouveau les limites entre documentaire et fiction. Autoportrait à travers les vies des autres d’un enfant du XXe siècle, cabinet de curiosités d’un voyeur généreux, ce film déborde d’amour pour le cinéma, ce mensonge qui dit vrai vingt-quatre fois par seconde. » L’Obs
浅田家! – Asada-ke ! Ryota NAKANO Japon – 2020 – 2h07
Dimanche 18 à 21h00 au Cinéma
Avec : Kazunari Ninomiya, Haru Kuroki, Satoshi Tsumabuki
Tiré d’une histoire vraie, le quatrième long de Ryôta Nakano fonctionne à double détente. Il s’ouvre dans une ambiance à la Little Miss Sunshine, en mode portrait de famille azimutée, lesAsada, dont le plus jeune des fils, Masashi, féru de photographie, réalise les rêves secrets des siens – devenir pompier (son père),
épouse de yakuza (sa mère), pilote de F1 (son grand frère) – à travers les clichés où il les met en scène. Puis surgit la catastrophe de Fukushima et l’apparente légèreté laisse place à la gravité quand, devenant bénévole auprès des rescapés, Masashi collecte dans les maisons détruites les photos des sinistrés pour garder intacts des souvenirs.
« La Famille Asada (est) une splendide variation sur la question de la mémoire et du deuil et sur le rôle essentiel de la photographie dans cette transmission-là. Vous submerge d’émotion sans jamais verser dans le larmoyant. » Première
Martine DEYRES
France – 2019 – 1H17 – Lundi 19 à 14h30 au Cinéma
Philippe Elusse présentera le film Les heures heureuses ainsi que le film Notre Histoire et participera à la Table-ronde sur le Cinéma Indépendant (Mardi 20 à 16h30 au Cinéma).
Entre 1939 et 1945, 45 000 internés sont morts dans les hôpitaux psychiatriques français. Un seul lieu échappe à cette hécatombe, l’asile de Saint-Alban, village isolé en Lozère. Durant ces années noires, soignants, religieuses et malades travaillent côte-à-côte à la survie de tous pour tous, avec la complicité des villageois.
Que s’y est-il passé qui a fait exception ? Retraçant sur plusieurs décennies l’histoire de ce haut lieu de la psychiatrie, à partir de précieuses archives filmées et des récits de ceux qui y ont travaillé, la réalisatrice répond à cette question et démontre comment le courage politique et l’audace poétique qui y ont été mis en pratique – sous l’impulsion de François Tosquelles (psychiatre catalan qui avait fui la dictature de son pays) – ont participé à l’élaboration d’une nouvelle conception de la psychiatrie et de la place du fou dans la société.
« La mémoire filmique de l’hôpital de Saint-Alban nous est dévoilée dans un documentaire aux images touchantes, porteur d’un message politique fort. » Les fiches du cinéma
MEMORY BOX
Joana HADJITHOMAS et Khalil JOREIGE France/Canada/Liban – 2021 – 1h42 – Samedi 17 à 21h00 au Théâtre
Avec : Rim Turki, Manal Issa, Paloma Vauthier
Montréal, la veille de Noël. L’arrivée d’un colis va bouleverser le trio familial que forment Teta, la grand-mère, Maïa, la mère et Alex, l’adolescente qui va découvrir à travers des photos, des collages, des carnets, des cassettes, adressés à une amie dont la famille s’est réfugiée en France en 1980, la vie d’adolescente de Maïa, à Beyrouth. En numérisant ces documents et en les partageant, Alex crée une nouvelle histoire épistolaire avec ses amis. Par des allers- retours entre le passé libanais et le présent montréalais, elle va percer à jour les événements tragiques qui ont touché sa famille pendant la guerre du Liban.
« Memory box met en scène avec pudeur la relation entre deux héroïnes en quête d’identité et une période capitale de l’histoire du Liban. » Marianne
« Oscillant entre secrets et souvenirs, Memory box est un récit d’exil qui intrigue et bouleverse. » Positif
Bukra fil Mish-Mish
Tal MICHAEL
France/Israël – 2019 – 52min – Mercredi 21 à 14h30 au Théâtre
En 2010, dans la petite maison de banlieue parisienne de la famille
Frenkel, une cave semblable à mille autres dévoile un trésor inestimable : les bobines des premiers dessins animés arabes
de l’histoire. Leurs auteurs ne sont autres que Salomon, David et Herschel Frenkel. Ces trois juifs ashkénazes, pionniers du cartoon en Egypte dans les années 1930, ont inventé le personnage de Mish-Mish Effendi, véritable symbole de l’homme du peuple égyptien.
Mais l’hostilité égyptienne envers le nouvel État d’Israël a mis un frein à ce succès. Les émeutes contre la population juive égyptienne ont provoqué un exode massif. Les Frenkel sont partis pour la France et bien qu’ils aient continué à créer des projets animés, ils n’ont jamais rencontré le même succès. Faisant fi des exils subis au gré de l’histoire les Frenkel ont tout sacrifié (vie conjugale, temps et argent) à leur art et à leur personnage Mish-Mish.
« Le film de Tal Michael invite le spectateur à remonter le cours de l’histoire, dans un voyage fascinant au cœur d’un pays et de sa mémoire.» Les Films d’Ici Méditerranée